Le
livre de la sagesse du monde Conte d'Espagne |
Une veuve a
sept fils. Elle est pauvre. Elle est même la plus pauvre
de tout son village. Une année, la famine sévit dans le
pays et les pauvres, déjà tellement pauvres, touchent
le fond de leur misère. Ses sept fils décident de
partir gagner leur vie à travers le vaste monde. Ils
partent avec des pieds de plomb, désespérés de laisser
leur mère tant aimée. *** Ils voyagent longtemps allant de ville en ville mais ne trouvent pas de travail. Ils sont trop jeunes, trop nombreux, trop maigres.De jours en jours, ils ont de plus en plus faim et sont de plus en plus fatigués. Ils dorment le ventre vide dans les bois, dans les fossés ou sur le bord des routes. *** Un matin, que le temps est particulièrement mauvais, que la pluie tombe à verses, quun vent glacé souffle entraînant à sa suite des nappes de brouillard, qu'ils sont transis de froid, mouillés de la tête aux pieds et tellement désespérés dêtre en si mauvaise posture, ils se trouvent juste devant les murs délabrés dun château. Ils frappent à la porte mais personne ne vient leur ouvrir. Ils poussent le vantail et se trouvent dans une cour vide. Pas de chiens de garde, pas de chevaux dans les écuries, pas de lumière derrière les vitres brisées. Ils se dirigent vers ce qui semble être le corps du logis. Ils appellent mais seul lécho leur renvoie leurs appels. Ils visitent toutes les pièces. Elles sont sales, couvertes de poussières et de grosses toiles daraignées pendent du plafond. *** Arrivés à la dernière pièce, ils sarrêtent stupéfaits. La pièce est rangée, propre. En son centre se dresse une table admirablement garnie de sept assiettes en argent, de plats de viande, de sauces fumantes, de légumes les plus variés, de sept verres en cristal, de sept serviettes de soie, de pain frais dans la corbeille à pain, de bougeoirs aux bougies rouges. Dans la cheminée des bûches nattendent plus que létincelle pour répandre dans la pièce leur douce chaleur. *** La faim est
tellement forte quils pénètrent dans la pièce,
sinstallent à la table et mangent de bel appétit.
Laîné ose même allumer le feu. Ils sont bien. Au
beau milieu de leur repas, ils entendent une voix
plaintive qui leur dit : *** Le vieillard
na pas semblé voir les sept frères. Il est
plongé dans un énorme livre et semble avoir des
difficultés à déchiffrer. Il se met à gémir. *** Le vieil homme
baisse la tête et se remet à lire avec fièvre. Il
avale les pages jaunies plutôt quil ne les lit
comme sil craignait que la lumière ne
séteigne avant quil nait terminé. A
la dernière page, il pousse un soupir et referme le
volume relié de vieux cuir aux coins dargent
noirci par les ans. *** Les sept frères descendent dans la cave et trouvent les pots remplis d'or comme le vieillard le leur avait dit. Ils font venir leur mère, remettent en état le château, nettoient toutes les pièces et redonnent à la bâtisse son lustre dantan. Jamais plus ils ne connurent ni la misère, ni la faim. Jamais ils noublièrent le vieillard ni le contenu de son livre qui nétait autre que le livre de la sagesse du monde. |