Il y a bien
longtemps, si longtemps que nul ne se souvient du moment
où cétait, vivait sur la terre un peuple en
communion totale avec la nature. Ils chassaient,
pêchaient, construisaient des embarcations dans des
troncs darbres brûlés ou fabriquaient des
mocassins pour ne pas avoir mal aux pieds.
Lorganisation de cette société était parfaite à
bien des égards et les nombreuses tribus qui composaient
ce peuple vivaient en harmonie. Dans une de ces tribus, il y avait un chaman appelé "Celui-qui-Sait-Tout". Il avait le pouvoir de guérir les maladies et de communiquer avec le monde de lau-delà et les forces spirituelles qui habitent chaque élément de la nature : les animaux, les plantes, les astres, la pluie... Celui-qui-Sait-Tout avait une fille très belle prénommée "Caresse-du-Vent". Tous les guerriers de la tribu rêvaient de lépouser parce quelle était pourvue de nombreuses qualités. Elle ne regardait aucun des guerriers qui lui faisaient la cour. Tout le jour, elle rangeait, nettoyait, faisait mille corvées pour elle mais aussi pour ses voisins. Jamais elle ne refusait de rendre un servie. Son tepee était le mieux rangé de la tribu et tout le jour, elle était affairée. Une nuit,
pendant la saison des fruits bien mûrs, Caresse-du-Vent
a fait un songe. Un Manitou lui est apparu. Le matin, lorsquelle se réveille, elle se souvient très bien de son rêve et elle en est troublée. Elle sort de son tepee pour aller chercher de leau fraîche et trouve juste devant lentrée une superbe paire de mocassins brodés de perles multicolores. Sa jeune sur "Perle-dOrage" qui sort en même temps quelle trouve les mocassins fort à son goût et les lui demande. Caresse-du-Vent les lui donne et toutes les deux partent vers la rivière. Chaque nuit, le rêve se reproduit. Chaque matin, lorsquelle sort de son tepee, Caresse-du-vent trouve un nouveau présent devant lentrée : un collier, une tunique de peaux, un bandeau, une ceinture. A chaque fois, elle donne les cadeaux à sa jeune sur qui est bien heureuse davoir une sur aussi généreuse. Mais à force de mal dormir la nuit, Caresse-du-Vent perd sa gaieté naturelle et ses forces semblent damenuiser. Elle reste souvent songeuse pendant de longs moments. Son père qui lobserve depuis plusieurs lunes se résout à lui parler un soir car il a bien compris doù venait le tourment de sa fille. - Dis moi, Caresse-du-Vent, tu sembles bien triste depuis la lune des cerises rouges. Test-il arrivé quelque chose ? Si tu as du souci, je peux certainement taider. Caresse-du-Vent ne détourne pas les yeux. Elle sassied à côté de son père et lui raconte lobjet de son trouble. - Père, je suis jeune et il est grand temps que je prenne un époux mais nul guerrier de la tribu ne me plaît. Chaque nuit, dans mes songes, le Manitou de lair me demande de devenir son épouse. Je ne sais pas quoi faire et surtout, je ne sais pas comment le rencontrer car je sens que je laime un peu plus chaque jour. Chaque matin, lorsque je méveille, je trouve un présent devant le tepee. Je loffre à Perle-dOrage car je ne peux accepter de si beaux présents. Celui-qui-Sait-Tout nest pas étonné. Il se met à réfléchir et demande à ne pas être dérangé durant trois jours. Il entonne alors un chant magique quil psalmodie. Au bout des trois jours, il appelle sa fille : - Caresse-du-Vent, jai parlé au Grand-Esprit. Tu dois maintenant décider de ton avenir. Si tu veux trouver le Manitou de lAir, il te faut quitter la tribu et entreprendre un long voyage pour retrouver celui que ton cur aime. Le Grand-Esprit y met cependant une condition : jamais tu ne pourras revenir parmi nous car tu vas subir une métamorphose. Caresse-du-Vent sent très bien ce quelle doit faire. Elle aime son père, sa jeune sur et sa tribu mais elle est certaine aussi quelle aime plus que tout le Manitou de lAir. Elle na pas peur dune métamorphose. Elle rassemble quelques affaires et se met en chemin dès le matin du jour suivant après avoir serré longuement son père et sa sur dans ses bras. Elle marche tout le jour sans prendre le temps de sarrêter. Au moment où le soleil est se couche, la faim commence à la tenailler. Elle sinstalle dans le creux dun gros rocher non loin dun cours deau, mange quelques galettes de maïs et boit un peu deau. La fatigue lenveloppe et elle sendort bientôt. En rêve, elle voit à nouveau le Manitou qui lui dit quils seront très bientôt réunit. Au matin, Caresse-du-Vent séveille. Au moment de se mettre debout, elle ne peut utiliser ses bras ; ceux-ci sont devenus de grandes ailes, ses pieds, des serres et son nez, un bec. Avec beaucoup de difficultés, elle arrive sur le bord de la rivière et voit son reflet dans leau. Dune belle jeune femme, elle est devenue un aigle royal. Le choc est si grand, quelle se met à pleurer. Soudain, à côté de son reflet, elle voit un second reflet - un second aigle royal. - Bonjour Caresse-du-Vent, je suis le Manitou de lAir et le Manitou plus heureux du monde. En la regardant, il saperçoit de ses larmes qui ruissellent et tombent sur le sol. Pourquoi pleures-tu ? Ton père et ta sur te manquent ? Es-tu malade ? - Ce nest rien répond-elle en essuyant ses larmes dun coup daile. Jai été surprise par mon apparence. Je suis moi aussi bien heureuse de te rencontrer enfin. Il y a si longtemps que je tattends. - Partons, dit le Manitou de lAir. Les chasseurs ne vont pas tarder à arriver dans la plaine et il ne faudrait pas quil tarrive quelque chose. Si le Manitou de lAir senvola sans problème, Caresse-du-Vent éprouva bien plus de difficultés. Elle prit de laltitude avec difficultés, manqua de retomber sur le sol mille fois mais finit par saffranchir. Ils passèrent tous deux au-dessus de la tribu où vivait Caresse-du-vent juste au moment où le chaman sortait de son tepee. Celui-ci leva la tête et sourit. Il avait reconnu sa fille qui senvolait vers son destin. Il ne fit cependant aucun signe et Caresse-du-vent poursuivit sa route avec un petit pincement de cur. Ils volèrent très longtemps et arrivèrent dans lantre du Manitou de lAir. Un désordre indescriptible y régnait. Tout était sans dessus-dessous. Le manitou de l'Air raconta à Caresse-du-Vent quil ne parvenait pas à remettre de lordre chez lui car le vent du Nord, le vent de lEst, le vent de lOuest et le vent du Sud ne faisaient pas attention lorquils rentraient de leurs voyages. Il avait beau leur demander de respecter sa demeure mais à chaque fois, au lieu de lécouter, ils se mettaient à souffler plus fort encore. Nullement découragée, Caresse-du-Vent entreprit de ranger sa nouvelle demeure. Sans doute précédée de sa réputation, aucun des vents nosa jamais souffler à lintérieur et la demeure resta propre et bien rangée. Caresse-du-Vent et le Manitou de l'Air vivent depuis très heureux. De leur histoire, une expression est née : " Lair ne fait pas la chanson " évidemment, puisqu'il fait les grandes histoires damours. |