Chapitre 11 : L'histoire

" Il était une fois un monsieur " raconte Wendy immédiatement interrompue par les garçons perdus.
- J’aurais préféré une dame.
- Moi, un rat blanc.
Elle poursuit son histoire " et une dame qui s’appelaient, Monsieur et Madame DARLING. Ils avaient trois enfants qui avaient une fidèle nurse appelée Nana. Un jour, Monsieur DARLING se fâcha contre Nana et l’enchaîna dans la cour. C’est ainsi que les enfants s’envolèrent pour le pays de l’imaginaire. La tristesse des parents fut immense ; imaginez les trois petits lits vides... ".
- C’est triste à pleurer, dit un des jumeaux.
- J’en frissonne d’angoisse, dit un autre.
" Il ne faut pas avoir peur, poursuit Wendy. L’amour d’une mère peut être immense. La fenêtre de la chambre est toujours restée ouverte car la maman savait qu’ils reviendraient un jour. Les enfants restèrent absents pendant des années et s’amusèrent beaucoup. "
- Est-ce qu’ils sont rentrés maintenant, demande l’autre jumeau ?
Wendy ne répond pas tout de suite mais explique combien la scène de bonheur à leur retour est indescriptible.

Peter laisse échapper un soupir malheureux.
- Tu te trompes complètement au sujet des mères, dit-il. Moi aussi je croyais que ma mère laisserait toujours la fenêtre ouverte mais, à mon retour, j’ai trouvé des barreaux à la fenêtre car ma maman m’avait oublié et un autre petit garçon dormait dans mon lit. Toutes les mères sont comme ça.
- Wendy, rentrons à la maison ! disent John et Michaël en chœur.
- Peter, peux-tu prendre les dispositions nécessaires ? demande Wendy.
- Volontiers, répond-il avec un détachement feint.

Il monte faire les préparatifs tout en s’efforçant de respirer le plus fort possible car un adage de l’Ile dit que chaque fois qu’on respire une grande personne tombe raide morte. Il donne ses instructions aux Peaux-Rouges et redescend dans la maison souterraine. Pendant son absence, les enfants perdus ont tenté de séquestrer Wendy car son départ est une véritable catastrophe pour eux. Peter ne peut accepter de garder une fille contre son gré  et demande de réveiller Clochette qui aidera Wendy à traverser la mer. Clochette ne l’entend pas de cette oreille et il faut la menacer de la faire voir de tous en négligé pour qu’elle se lève enfin.

Les garçons regardent Wendy et ses frères avec des yeux tristes. Ils partent pour un pays merveilleux et personne ne les a invités.
- Mes amis, dit Wendy, si vous voulez tous venir avec moi, je suis certaine que maman et papa vous adopteront.
L’invitation est bien entendu faite pour Peter mais chacun la prend pour soi et les enfants se mettent à sauter de joie.
- Avant de partir, je vais te donner ton médicament Peter, dit Wendy et puis, prépare tes affaires.
- Je ne viens pas, répond-il d’un air indifférent et il se met à jouer de la flûte en sautant dans la pièce d’un air narquois.
Wendy essaye de l’amadouer, il pourrait retrouver sa mère...
- Non, Wendy, elle me dirait sûrement que je suis grand et je veux rester toujours un petit garçon et m’amuser.

Les garçons perdus se regardent ; Peter ne vient pas... Va-t-il les laisser partir ? Ils sont rassurés lorsqu’ils l’entendent déclarer :
- Si vous retrouvez vos mamans, j’espère qu’elles vous plairont. Maintenant, pas d’attendrissement, Tu es prête Clochette ? Alors, montre le chemin.

Clo s’élance dans l’arbre le plus proche mais personne ne la suit car au même instant, les pirates lancent leur attaque contre les Peaux-Rouges. L’air est déchiré de cris et de cliquetis d’acier. Dans la maison, règne un silence glacial. Chacun tend les bras vers Peter dans un geste qui dit " Ne nous abandonne pas ". Il saisit son épée et dans ses yeux brille une ardeur guerrière.