Chapitre 14

 

Les mois et les années s'écoulaient. Pierrot atteignit un beau jour ses quatorze ans. Comme il était grand et robuste, il voulut aller chercher fortune en Angleterre.

Il fit ses adieux à Mme la baronne et il embrassa les enfants. On lui donna un bagage complet, de l'argent et des provisions. Marguerite lui broda un beau mouchoir comme gage de son amitié. Jean-Pierre lui souhaita bonne chance et Claudine le pressa dans ses bras en pleurant.

" Ne pleurez point, dit Pierrot. Je reviendrai peut-être bientôt riche et grand seigneur. Ne laissez point échapper M. le Vent ni Mme la Pluie. Envoyez-les en Angleterre tous les matins. Ils vous rapporteront de mes nouvelles et je les emploierai utilement au service du duc Guillaume. N'oubliez pas surtout de leur faire prononcer le serment sacré, avant de leur permettre de sortir. "

Claudine promit de suivre exactement les instructions de son fils. Pierrot monta sur son cheval et partit, en pressant sur son cœur le mouchoir brodé par Marguerite. Il traversa une partie de la Bretagne et arriva, au bout de trois jours, à Caen. Des Normands qui passaient en Angleterre le prirent dans leur vaisseau. M. le Vent, que Claudine laissa sortir fort à propos, souffla dans les voiles. Pierrot entra le quinzième jour à Londres, où le duc Guillaume demeurait. Il se logea dans une petite auberge, en attendant l'occasion de se présenter à la cour. Un matin, qu'il prenait l'air à sa fenêtre, Pierrot vit courir à lui M. le Vent qui lui dit :

" Je suis à tes ordres, Pierrot ; ta mère m'envoie savoir comment tu te portes et si tu as besoin de mes services.

Dites à ma mère que je l'aime et que je porte bien. Je n'ai rien à vous commander pour aujourd'hui ; mais ne manquez pas de revenir demain. "

Mme la Pluie, qui ne voyageait pas si vite, n'arriva que l'après-midi à Londres.

" As-tu des ordres à me donner ? dit-elle.

Point d'ordres pour aujourd'hui, répondit Pierrot ; mais ne manquez pas de revenir demain. "