LE DROMADAIRE, LE FENNEC ET L'ÂNE
Il était une fois un dromadaire et un âne. Un
dromadaire, bien bossu, qui mâchouillait en bordure du désert. Un
âne, non loin de là, avançait pas à pas. Un âne tout triste,
errant parmi les cailloux, à la recherche d’un bien improbable
festin. De
temps en temps, le dromadaire levait la tête, humait l’air et
regardait au loin… L’âne,
lui aussi, s’arrêtait, se battait les flancs avec sa queue pour
chasser les mouches, et restait, immobile, les yeux à demi fermés. L’un
s’était éloigné de ses compagnons dans sa quête de nourriture,
l’autre attendait, résigné, qu’on le bâte et le charge pour
rejoindre le village. Passa
par-là, un petit renard des sables, un fennec rusé et curieux. Il
se planta devant le dromadaire et lui demanda : -
Que fais-tu là chameau ? -
Je ne suis pas un chameau, je suis un dromadaire,
n’as-tu point vu mon unique bosse ? -
Ne sois pas susceptible, ami, quels sont tes projets ? -
Projet ? Qu’est-ce qu’un projet ? -
N’as-tu point idée de ce que tu vas faire lorsque tu
auras fini de mâchonner ce buisson ? -
Que veux-tu donc que je fasse ? J’avancerai et je
mâchonnerai la prochaine touffe ! -
Tu ne sais rien faire d’autre que mâchonner, mâchonner,
toujours mâchonner ? -
Bien sur que si animal curieux, ne sais –tu pas
qu’on m’appelle le vaisseau du désert, que je traverse cette
immensité de dunes et de rochers pour rendre service aux hommes et
transporter les plaques de sel qui leurs sont nécessaires ? -
Ah ! Dit l’animal songeur, et les hommes, que te
donnent-ils en échange ? -
En échange, en échange, quel échange ? Les
hommes, je les transporte sur mon dos ou bien ils cheminent à côté
de moi. Le soir, au point d’eau, quand il y en a un, ils me donnent
à boire, mais je suis sobre, c’est pour cela que je suis le
meilleur pour vivre ici ! Drôle
d’animal pensa le fennec, moi les hommes je les fuis ! Il
continua son chemin et s’assit sur son arrière train devant l’âne. -
Bonjour ! Qui es-tu animal aux longues oreilles ? -
Je suis l’âne, on m’appelle aussi le baudet ! -
N’est-ce pas de toi que l’on dit « têtu
comme un âne » ? -
On le dit ! -
Que fais-tu ? Qu’attends-tu ? -
Moi j’attends l’homme, qui coupe de l’herbe dans
le champ, il la chargera sur mon dos, s’assoira lui aussi, et nous
rentrerons au village. -
Toi aussi, tu travailles pour l’homme ? Que te
donne-t-il ? -
Que veux-tu qu’il me donne ? Un sac d’avoine,
quand la récolte est bonne, un quignon de pain dur, et
quelques coups de pieds pour que j’avance plus vite ! -
Pourquoi l’attends-tu ? Viens avec moi ! Tu
seras libre ! -
Libre, et que ferai-je ? -
Viens te dis-je, tu verras…. L’animal,
pas si bête qu’on veut bien le dire, réfléchit un instant :
qu’avait-il donc à perdre ? Sa
vie, monotone, ne lui donnait pas à espérer des jours meilleurs ! -
D’accord, dit-il en relevant la tête et dressant ses
oreilles, je te suis ! Cette
décision fut accompagnée d’une belle ruade. Et
l’on vit partir cet étrange couple. Ils
s’arrêtèrent devant le dromadaire qui... mâchonnait un buisson. -
Viens-tu avec nous, animal orgueilleux ? La
bête les toisa du haut de ses deux mètres : -
Merci, bonne
route, le désert est grand, comment ferez-vous pour trouver les
points d’eau ? -
Nous nous débrouillerons, dit l’âne, qui avait pris
de l’aplomb ! Ils
cheminèrent ainsi quelques heures. Le soleil, encore haut dans le
ciel, brûlait leur pelage. -
Où trouver de l’ombre, dans ce paysage ? -
Qu’allons –nous manger ? Se lamentait l’âne,
qui ne trouvait même pas un détritus dans ces lieux désertés par
les hommes. -
Il me faudrait trouver une gerboise, dit le fennec, nous
partagerions. -
Mais je ne suis pas carnivore ! Il me faut de
l’herbe ! -
De l’herbe dans le désert ! Tu rêves ! -
Alors je retourne chez les hommes, répondit-il en
reprenant sa mine résignée. -
Il doit bien y avoir une solution dit la bête sauvage
qui avait l’habitude de ne compter que sur elle. -
Regarde, s’écrie l’âne, de l’eau, la mer ! -
Mais non, ignorant, c’est un mirage ! -
Il ne l’écouta point et s’élança vers ce qu’il
croyait être de l’eau. Hélas !
Le fennec avait raison, plus il avançait, plus la mer s’éloignait. Cependant,
le fennec avait aperçu, au loin, une caravane. -
Viens, dit-il à son compagnon, nous allons les suivre et ce
soir au campement, il y aura festin ! Ainsi
firent-ils, se tenant à distance respectable, ils suivirent la
caravane. A
la nuit tombée, ils se glissèrent près du bivouac. Quelques fanes
de légumes, des reliefs
de repas leur permirent de se restaurer. -
Que faites-vous, demanda une voix nasillarde près
d’eux ? C’était
le dromadaire qui menait la caravane. -
Tu le vois, dit l’âne, nous nous débrouillons ! Le
dromadaire blatéra, blatéra… -
Que grommelles-tu encore ? -
Vous me semblez bien inconscients tous les deux, vous
voulez fuir les hommes et vous voilà faisant leurs poubelles ! -
Nous les utilisons comme ils nous ont utilisés ! -
Bien sur et demain que ferez-vous ? - Oh ! Demain est un autre jour, nous allons dormir, bailla l’âne.
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