L'INTRUS

Marie-Thérèse ROUX-VASQUEZ

Laura se promenait dans le jardin familial .Elle régnait seule dans ce monde d’adultes. Un jour son univers a basculé quand elle voit sa grand-mère Nora se diriger vers elle, accompagnée d’un enfant.
- Laura je te présente Luann, ton petit cousin.
Laura toisa l’enfant et se dit elle-même : « Mais ….je n’ai pas de cousin ? »Avec véhémence , elle répondit :
- Ce n’est pas mon cousin !
Un vif dialogue s’engagea alors entre Nora et sa petite fille.
- Et bien maintenant tu en n’as un !
- Non ! Non et Non!…
Suzanna surprise par les éclats de voix quitta sa cuisine et s’approcha.
- Que se passe-t-il ?
- Ta fille, accepte très mal la présence de Luann.
- Je me doute bien que Laura accepte mal cette situation. Elle n’a jamais vécu avec d’autres enfants si ce n’est à l’école, puisqu’elle est fille unique et elle a son caractère … Ton petit protégé me paraît bien calme.
- Luann ne parle pas bien notre langue et il a vécu tant de choses , le pauvre gosse…Il faudra beaucoup de temps pour s’adapter.
Laura doit désormais apprendre à partager sa vie avec lui. crois-moi , cela fera du bien à tous les deux. Comme prévu je vais te laisser Luann quelques jours .Il a besoin d’une compagnie
de son âge. Les deux enfants continuaient de s’ignorer. Luann restait prostré dans son coin, la tête baissée, l’air craintif. Laura l’observait de ses grands yeux effarouchés. Elle n’était vraiment pas prête d’accepter d’un coup un cousin et de surcroît cambodgien !
La grand-mère s’approcha des enfants en appelant Laura . Le petit cambodgien se sentant délaissé s’éloigna pour s’asseoir sur le banc du jardin. La grand-mère prit Laura par les épaules , et se penchant légèrement comme chaque fois qu’elle voulait lui parler
sérieusement lui confia en la fixant bien dans les yeux :
- Ma chère Laura , ta maman et moi, avons décidé de laisser Luann quelques jours dans la maison familiale pour que vous fassiez connaissance.
- Ce n’est pas mon cousin ! Riposta Laura avec insistance.
Excédée , Nora se redressa en levant les yeux au ciel, les deux poings sur les hanches en s’exclamant d’une voix forte :
- C’est qu’elle est têtue la petite !
- On ne va pas revenir sur cette discussion .Lui dit sa mère plus fortement.
De nouveau la grand-mère expliqua que Luann était seul au monde depuis la mort de
ses parents. Qu’elle l’avait adopté pour qu’il ait une famille et qu’il avait besoin d’affection !
- Nous comptons sur toi pour l’aider comme le ferait une grande sœur, insista la grand mère.
- Ce n’est pas mon cousin , ni mon frère…dit Laura toujours sur la défensive et en tournant le dos.
- Laura, regarde-moi .Je comprends bien qu’il ne soit pas facile pour toi d’accepter Luann.
La petite esquissa un oui de la tête, juste pour avoir la paix.
Quelques jours après, Les parents s’étaient absentés pour un court voyage. La grand-mère faisait la sieste au font du jardin, sous le grand tilleul. Luann jouait avec un ballon. Dans sa fougue il s’approcha inconsciemment de l’étang. Laura assise sur le banc , tout en conversant avec sa poupée, observait discrètement son jeu.
L’inévitable se produisit ;Sur l’herbe glissante et voulant rattraper le ballon Luann tomba à l’eau. Il se débattait comme un diable pour rejoindre la berge.
Que se passait-il en cet instant dans la tête de Laura ? Elle ne faisait rien pour l’aider . De sombres pensées envahissaient son esprit. Elle se disait que s’il pouvait se noyer et ne plus reparaître, ce serait une bonne chose pour elle. En effet, depuis que ce petit cambodgien
habitait avec eux , elle avait l’impression de perdre l’amour des siens. Elle n’était plus l’unique enfant de la famille que tous adoraient. Un dialogue nerveux s’engagea entre elle et sa poupée.
- Tu vois, on a des yeux que pour lui, on lui donne des cadeaux à tout moment, on le cajole, ces moindres désirs sont satisfaits…
- Mais enfin, tu n’es pas tout à fait oubliée, tu es toujours leur petite Laura….Bien sûr, on te demande de veiller sur ton cousin, mais c’est vrai qu’il a besoin de ton affection et de ton
attention.
Laura prit conscience se la réalité de l’événement ; Luann était vraiment en difficulté. Tout en voulant s’échapper de l’eau il disparut .tout en haussant les épaules elle pensa : 
«Après tout, avec un petit effort il peut s’en sortir, l’étang n’est pas si profond.»
Or Luann ne réapparaissait toujours pas . Complètement paniquée elle se précipita vers sa grand-mère endormie.
- Grand-mère ! Grand-mère ! Grand-mère ! cria Laura éplorée. Luann est dans l’étang !
La grand-mère sursauta, faillit tomber à la reverse ne comprenant pas ces cris et ces pleurs.
- Luann est dans l’étang !
- Seigneur Dieu ! Il faut appeler le voisin.
Arrivé en toute hâte , celui-ci plongea et ramena Luann sur la berge . Il était haletant, renvoyait de l’eu mais il était vivant.
- Plus de peur que de mal, ne vous inquiétez pas, affirma-t-il avec soulagement.
Laura alla chercher sa confidente . Elle se rapprocha de sa grand-mère , la tête basse et en serrant très fort sa poupée l’air coupable confia :
- Tu vois grand-mère ! Je ne pouvais pas le laisser mourir .
- Je sais bien ma chérie , rejoignons ton cousin.

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