Cest en
sinstallant dans son panier que la chatte
Chiffonnette vit un uf, un magnifique uf
blanc posé là, par hasard.
- Mais, à qui peut-il bien être ? Pensa-t-elle, il
nest pas venu tout seul ?
Elle alla vite dans la basse-cour, demanda à la cane qui
couvait patiemment ses ufs.
- Tu naurais pas égaré un uf chez moi par
hasard ?
- Sûrement pas ! Jen ai déjà sept et ça me
suffit ! A chacun sa couvée, allez ouste !
Chiffonnette alla trouver la poule et lui posa la même
question, celle-ci lui répondit méchamment.
- Dis donc, si tu crois que tu vas me donner tes
ufs à couver, tu te trompes dadresse ma
vieille !
La chatte nen crut pas ses oreilles, quelle idiote
cette poule je sais bien que les chattes ne pondent pas.Chiffonnette rentra dans
son panier douillet et parla à son uf.
- Pauvre petit uf, que vais-je faire de toi ? Que
vas-tu devenir ?
Tout en parlant, elle lécha luf et le prit
délicatement sous ses pattes. Comme cest doux,
pensa-t-elle. Et si je le couvais comme la poule et la
cane ? On verra bien ce qui va sortir de cet uf
tombé du ciel.
Pendant des
semaines, Chiffonnette couva son uf, elle faisait
très attention de ne pas lécraser, elle dormait
très mal et se mit à maigrir.
Elle nosait pas sortir du panier pour manger car
elle avait peur que luf attrape froid. Elle
se souvenait que les ufs en couveuse restaient
toujours à bonne température pour réussir
léclosion.
- Je mangerais plus tard, lorsque le petit sera là !
Elle ne doutait pas une seconde que ce petit serait un
mâle. Et comment vais-je lappeler ? Tiens pourquoi
pas Crépuscule, jai eu cet uf au
crépuscule. Non ! Ce nest pas joli ; sil
était venu la nuit, je laurais appelé nuit et
matin pour matin. Cest ridicule ces noms. Je pense
que Babyton, ce serait pas mal du tout. Allez va pour
Babyton.
Ses efforts
furent récompensés, un matin, Chiffonnette entendit :
crac-crac, elle sentit sous ses poils un coup de bec.
Chiffonnette sécarta du panier et regarda avec
admiration ce petit uf bouger. Cétait la
première fois quelle assistait à la naissance
dun poussin, son poussin.
- Comme cest beau ! Soupira-t-elle, je vais
taider mon petit !
Lorsque le poussin sortit de sa coquille Chiffonnette le
lécha et lustra son duvet ; cétait doux et chaud.
Elle jeta les morceaux de coquille hors du panier et à
ce moment le poussin poussa de petits piaillements.
- Piou ! Piou !
- Bienvenue Babyton ! Je suis ta maman et toi tu es le
plus joli poussin que jai mis au monde !
- Piou ! Piou ! Continuait le poussin.
- Tu dois avoir faim ? Mais au fait que mange un poussin
? Avec ton bec, tu ne peux pas me téter et
dailleurs je nai même pas de lait !
- Piou ! Piou !Piou !
- Attends, ne taffole pas, maman va te chercher à
manger. Une souris, je vais te chercher une souris ! ! !
Suis-je bête, les poussins ne mangent pas de souris. Et
surtout pas question de demander à la poule ou la cane,
elles sont tellement méchantes quelles
inventeraient nimporte quoi, pour empoisonner mon
poussin
Chiffonnette
alla dans la basse-cour et regarda discrètement comment
se nourrissaient les poules. Il y en avait une qui
grattait la terre et dun coup de bec ramassa un
ver.
- Cest çà, se sont des vers que mangent les
poussins !
Mais pour attraper des vers lorsque lon na
pas de bec, comment fait-on ?
Chiffonnette était rusée. Elle alla dans le hangar, là
où le fermier rangeait son matériel de pêche. Elle
trouva un grand pot en plastique remplis de vers pour la
pêche. Elle attrapa le pot et toute contente de son
exploit, lemporta pour nourrir son petit.
- Cest bon, nest-ce pas Babyton !
- Piou ! Piou !
Le poussin
grandissait de jour en jour. Il ressemblait à un canard,
mais pas un canard gris ou noir, il était tout blanc.
- Cest parce que, je le lave trop ! Pensa
Chiffonnette.
Elle était fière de sa progéniture et
aujourdhui, elle décida de le sortir pour le
montrer à toute la basse-cour.
Ce fut vraiment une catastrophe pour le pauvre poussin.
Babyton ne voulait pas jouer avec les autres canetons
dans la mare, il trouvait leau trop sale. En plus
un vilain canard boiteux le traita de poule mouillée. Un
autre sétait moqué de son bec volumineux. Babyton
est revenu dans le panier douillet en larmes,
cétait une épreuve terrible quil venait de
vivre.
- Maman, Maman ! Hurla Babyton, les canards sont
méchants et ils sentent mauvais !
Ils sont méchants car ils ignorent que tu es un canard
de race supérieure. Regarde tes plumes comme elles sont
blanches et lustrées, cest parce que je les ai
bien lavées. Sois fier et avance dans la cour la tête
haute, ne fréquente plus jamais ces canards sauvages !
- Piou ! Piou ! Pleurnicha Babyton, mais alors, si je ne
suis pas un canard ni un chat, qui suis-je ? Réponds-moi
je suis tellement malheureux !
Très
contrariée, Chiffonnette lui raconta de nouveau sa
naissance.
- Un jour, tu es tombé du ciel, dans mon panier. Je
tai soigné, chouchouté, dorloté comme une maman
oiseau. Je taime mon poussin, cest moi qui
tai couvé et donné ce nom Babyton ; aussi ne me
le reproche pas !
Sans doute tai-je trop lavé, et cest pour
cela que tu es différent des autres ! Nes-tu pas
content dêtre un canard peu ordinaire ?
- Mais Maman, jaimerais tant patauger dans la boue
comme les autres ! Jaimerais tellement manger du
maïs et non du poisson que tu me donnes tous les jours !
Jaimerais aussi courir et nager !
- Nager ? Sûrement pas ! Tu sais comme jai peur de
leau et si je devais te récupérer dans une mare,
je me noierais ! Non ! Ne me dis plus de bêtises ?
- Piou ! Piou ! Gémit Babyton.
Chiffonnette regrettait amèrement davoir été si
dure avec son petit. Comme il est malheureux ! Mais
doù vient-il ? Les canards ne veulent pas de lui.
Les poules, nen parlons pas ! Il est si beau et
délicat, la vie dans la ferme ne lui convient pas.
Demain je lemmènerais loin dici. Cet endroit
si peu hospitalier nest pas pour lui.
Le lendemain
Chiffonnette fit ses bagages, prit Babyton et quitta la
ferme.
Je vais temmener dans les bois, nous chasserons et
nous rencontrerons certainement des oiseaux de ta race !
Le premier jour Babyton était heureux, la forêt en
cette période dautomne avait revêtu son manteau
de feuilles rousses. Les champignons pointaient leurs
têtes curieuses à travers la mousse.
- Salut les amis ! Cria Babyton, en voyant les écureuils
rassembler leurs noisettes pour lhiver.
- Sauvons-nous ! Cria un écureuil, voilà une chatte et
son petit qui ne feront quune bouchée de nous !
- Ne vous sauvez pas ! Dit de nouveau Babyton, je suis
votre ami et jaimerais jouer avec vous !
Même les oiseaux senvolaient au passage de
Chiffonnette et de Babyton. Les mulots, les souris, tous
ces animaux avaient peur des chats. Babyton pleurait :
- Tu vois bien Maman, même ici on ne veut pas de moi !
Je viens de nulle part.
- Calme-toi, cest normal que les oiseaux aient peur
des chats, depuis toujours nous les chassons. Ils
nont pas remarqué que tu étais des leurs. Essaye
de chanter ou de siffler, ils te reconnaîtront !
Babyton gonfla son petit torse et poussa un cri tellement
rauque que tous les oiseaux se mirent à rire.
- Drôle doiseau ! Piailla un merle, mais où as-tu
appris à tégosiller de la sorte, dans un
pigeonnier ?
- Cest ça, moquez-vous de moi vilain merle !
Protesta Babyton. Maman, partons de cet endroit, ce
nest pas ma place ici.
- Attendons demain, nous venons à peine darriver
et je suis si fatiguée. Au levé du jour tu changeras
peut-être davis !
La nuit Babyton
eut beaucoup de mal à dormir. Les chouettes, les chats
huants et les hiboux narrêtaient de scruter les
deux fugitifs.
- Je ne suis vraiment pas un animal de la forêt, pensa
Babyton, cest lugubre la nuit. Ce doit être
difficile de vivre en pleine nature. Je préférais la
ferme même si les canards ne maimaient guère.
Au petit matin, la rosée vint mouiller le museau de
Chiffonnette. Une légère brise finit par réveiller les
deux dormeurs.
- Comme il fait froid ! Cria Babyton, vite maman on
rentre à la maison !
- Oh ! Bailla Chiffonnette, il y avait bien longtemps que
je navais dormi aussi profondément !
Elle sétira, et secoua ses pattes.
- Vois-tu Babyton, à la maison nous prenons de mauvaises
habitudes. Le panier est trop confortable, il fait trop
chaud, et nous ne savons plus apprécier la nature. Cette
escapade dans la forêt, ma fait le plus grand
bien.
Jamais Chiffonnette ne fut aussi loquace ; elle était
ravie, sa véritable nature avait pris le dessus. Pour un
peu elle serait redevenue sauvage. Pas le petit Babyton,
il détestait cette forêt et navait quune
hâte, rentrer le plus rapidement possible.
- Bien, maugréa Chiffonnette, rentrons si tel est ton
désir. Je pense que tu es un garnement trop gâté. Mais
avant de retourner à la maison, allons faire une ballade
au marché.
- Au marché ? Quest-ce quun marché ?
Questionna Babyton.
- Tu verras cest très amusant, il y a des
marchands de légumes, de poissons et même des animaux.
- Cela sert à quoi, un marché ?
- Les enfants et les grandes personnes se promènent,
bavardent, font des provisions. Cest
loccasion de se retrouver et de parler de la pluie
ou du beau temps. Cest une fête, et peut-être
rencontrerons quelqu'un qui connaît tes origines !
Encore une fois
Chiffonnette prit tout son temps pour bien laver son
petit. Les voilà tous les deux sur la place du village.
Il y avait foule et Babyton était tout énervé à la
vue de ces gens qui se bousculaient pour approcher les
marchands.
Soudain, une voie stridente interpella le poussin :
- Eh ! Toi, le poussinot, tu ne serais pas le petit de la
Franquette ?
- Chiffonnette regarda doù provenait cette voie.
Elle vit alors un superbe perroquet dans une cage dorée.
- Cest à nous que vous parlez ? Demanda-t-elle.
- Et oui, ma petite dame ! renchérit loiseau.
Figurez-vous que votre petit poussin ressemble
étrangement à ma cousine Franquette !
- A ce nom, Chiffonnette tressaillit. Elle comprit de
suite que ce perroquet arrogant, devait connaître la
véritable identité de son cher petit
- Dites-moi mon brave, que savez-vous au juste de votre
cousine ?
- Cest une bien longue histoire madame. Voyez-vous,
lannée dernière, toute la troupe faisait son
numéro. Nous sommes des artistes dans la famille. Nous
faisons partie dun cirque et nous voyageons de
ville en ville. Je disais donc, nous étions dans ce
village et cétait jour de repos pour toute
léquipe. Nous avions décide de faire une ballade
dans les champs. Ma cousine, avait déjà son uf et
elle le promenait partout. Cétait une bonne mère
! Nous avions faim, aussi nous nous sommes rassasiés
dans un champs de blés. Hélas, le fermier nétait
pas loin et dés quil nous a vus, il a lâché ses
chiens sur nous.
- Je commence à comprendre ! Dis Chiffonnette.
- Ensuite nous avons couru, ma pauvre Franquette avait
bien du mal à tenir luf sous son aile.
Aussi, quand nous sommes passés devant une cour de
ferme, jai crié : jette ton uf ! On viendra
le récupérer demain. On a eu la plus grosse trouille de
notre vie.
- Seulement le lendemain, lorsque nous voulions aller
chercher luf, nous ne lavons jamais
retrouvé. Depuis, nous errons de ville en ville, nous
espérons le retrouver.
- Aujourdhui, je pense que le petit doit être
née, et comme votre poussin ressemble à Franquette, le
doute nest pas permis. Je crois que cest le
sien. Une chatte na jamais donné naissance à un
poussin !
Chiffonnette a
écouté cette histoire, elle comprend que le perroquet a
raison, malgré tout elle linterroge.
- Dites-moi pourquoi, mon poussin na pas
daussi jolies plumes colorées, comme les vôtres ?
Et pour quelle raison, votre cousine nest pas là ?
- Pour ce qui est la couleur des plumes, cest
normal, Franquette est toute blanche. Cest la race
des grands seigneurs ! Et si ma cousine nest pas
là ; cest quelle est bien malade depuis la
disparition de son uf. Elle se laisse mourir.
Autrefois elle dansait et moi je chantais, mon frère
Frédo, jouait de la contrebasse. Mes surs
faisaient les curs, je vous avais bien dit que nous
sommes tous artistes dans la famille. Et le petit
Babyton, vous auriez du lappeler baryton !
Lorsque Babyton
entendit toute cette conversation, une immense joie
envahit son cur de petit oiseau.
- Je suis un perroquet ! Je suis un perroquet !
Cria-t-il. Comme je suis heureux, je sais qui est ma
famille. Emmène-moi vite voir ma maman. Je suis
impatient de la connaître.
Babyton, tout à sa fougue ne se rendait pas compte,
combien ces mots faisaient mal à Chiffonnette. Elle
était heureuse quil retrouve ses origines, mais
dieu que cet événement était cruel à vivre. Elle se
reprochait davoir eu cette idée de venir au
marché. Maintenant elle en était certaine, son poussin
ne serait plus jamais avec elle.
Les choses
allèrent rapidement ensuite, Chiffonnette se rendit dans
la caravane du perroquet. Lorsque Franquette vit son
fils, elle accourut en larmes et se jeta dans les bras du
petit. La scène était émouvante, Chiffonnette
pleurait, Babyton aussi mais ses larmes nétaient
certainement les mêmes que ses deux mamans.
Chiffonnette
voulait sesquiver discrètement en laissant là les
retrouvailles si chaleureuses. Mais Babyton, qui la vit
partir la supplia de rester, il ne pouvait pas se priver
de sa maman nourricière. Aussi dun commun accord,
Jaco proposa à Chiffonnette de rester avec toute la
famille perroquet. Tous reprirent la route et comme tout
artiste continuèrent leur chemin.
Un jour si vous
rencontrez une caravane transportant des oiseaux
exotiques et une chatte peu ordinaire, arrêtez-vous,
cest certainement Chiffonnette !
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