Pierre qui roule n'amasse pas mousse
©Lucie Montebello 2001

Il était une fois un pays où les deux puissances royales se chamaillaient
sans cesse. Il faut dire que la frontière entre les deux était très mince.
 On pouvait marcher sur l'une, le roi-sable le permettait bien volontiers.
Chaque habitant du pays avait le droit de s'allonger sur lui sans que
celui-ci ne se fâche comme le fait son confrère du Sahara qui déchaîne des bourrasques effroyables.
On pouvait nager dans l'autre, le roi-océan avec ses rouleaux dans lesquels les petits cailloux tourbillonnaient avec les coquillages et les algues.
Or, à chaque fois , le roi-océan empiétait sur l'endroit réservé au
roi-sable, comme pour le faire enrager. En effet, le sable se laisser
recouvrir par l'eau et ses bougonnements colériques n'y changeaient rien.
Alors que le sable voyait arriver les arrogantes vagues, l'autre jubilait
avec ses tourbillons de bigorneaux qui gesticulaient fièrement dans la
mousse de l'océan. Impuissant, le roi-sable ne pouvait plus supporter la
tyrannie de la mer qui débordait toujours sur lui et l'humiliait en le
mouillant. Sa rage augmentait de jour en jour et il recommandait maintenant aux grains de sable qui se tenaient devant d'essayer de lutter contre l'envahisseur .
Mais, à sa grande surprise, il vit que ceux-ci n'obéissaient pas , plutôt
réjouis de partir un à un dans la belle spirale que leur offraient le
roi-océan et ses rouleaux.
Une nuit, la colère du roi-sable devint telle que le roi-océan ne se risqua
pas de venir le contrarier. Il se retira alors complètement. Les gens du
pays appelaient ce phénomène "la marée basse". Le roi-sable jouissait enfin de sa solitude malgré les reproches de ses grains qui eux, ne supportaient pas la chaleur étouffante. Le roi-sable, digne, ne voulait pas avouer qu'il avait chaud lui-aussi. Pourtant, un jour, le soleil tapa si fort que le roi laissa tomber sa fierté et appela le roi-océan au grand bonheur de tous les grains de sable.
 Depuis, le roi-sable, conscient de ce que représente en fait son ennemi,
décide d'essayer de vivre en harmonie avec lui.

 FIN

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