Sieur RENARD |
Marie-Alice
C’était
un rude hiver ! La neige avait tout recouvert et le renard affamé
rodait autour de la ferme. Mais le fermier, toujours prudent, avait
bien enfermé ses poules. -
Quel hiver ! Mais quel hiver ! se lamentait le fermier. - On
n’en voit pas la fin renchérissait
sa femme. Les provisions diminuent. Si au moins tu pouvais trouver
quelque chose à manger. Un peu de poisson ou un morceau de viande ne
serait pas de refus. -
Crois-tu que ce soit possible ? demanda le fermier. En faisant un
trou dans la glace, je pourrais peut-être prendre du poisson. C’est
entendu, réveille-moi tôt, j’irai à la pêche demain. Caché
derrière la fenêtre, le renard avait tout entendu. -
J’irai moi aussi à la pêche demain, se dit-il en se frottant les
pattes de devant. Et une petite idée, une toute petite idée fit son
chemin dans son esprit mauvais. Le
lendemain matin, le fermier s’en alla de bonne heure. En chemin, il
pensait déjà au bon repas qu’ils feraient le soir car il en était
certain : il attraperai du poissons… Tout
en se dirigeant vers un lac gelé, il fredonnait une chanson : «
Petits poissons, au court-bouillon, Petits
poissons, dans ma maison, Petits
poissons, vous serez bons, Petits
poissons, allons, allons ! » Caché
derrière une touffe d’arbustes, le renard ne perdait pas le fermier
de l’œil. -
Chante toujours, mon bonhomme ! se dit-il et il le suivit de
loin. Le
fermier et lui, ce n’était pas une histoire d’amour. Par le passé,
ils avaient eu pas mal de disputes. Le fermier défendait ses poules.
Mais lui trouvait que les poules étaient faites pour être mangées.
Les deux conceptions étaient opposées et les points de vue ne
pouvaient jamais se rapprocher. Bientôt,
le fermier arriva au bord du lac. A l’aide d’une pique, il fit un
trou dans la glace et entra sa ligne. En moins de temps qu’il ne
faut pour le dire, il attrapa du poisson. Beaucoup de poisson. Le
renard, toujours sur ses talons se disait : -
Attrape, attrape encore, fermier niais…Tes beaux poissons, tu ne
sais pas qui va les manger… Et déjà il se pourléchait les
babines. Lorsqu’il
vit le fermier empaqueter les poissons dans un grand sac, le renard
s’en alla en direction de la ferme par un raccourci. Il se coucha au
beau milieu de la route et attendit que le fermier passe. Dès
qu’il l’aperçut, le fermier pensa : - Ma
parole, c’est ce vaurien de renard. Il sera mort de froid ou de
faim. Arrivé
près de lui, il le prit par la queue, le secoua, le pinça. Le renard
ne bougeait pas. - Il
est mort et bien mort, dit tout haut le fermier. En voilà une
surprise. Quel beau col de renard ma femme va pouvoir porter cet
hiver. Quant à moi, je serai tranquille pour toujours. Il ne mangera
plus mes poules. Comment faire ? Je ne peux pas prendre à la
fois mon sac et le renard. Je vais laisser le sac ici et rentrer à la
ferme pour y chercher un traîneau. Le
fermier s’en alla, laissant le renard pour mort et à côté de lui,
son sac de poissons. L’occasion était inespérée pour le renard. Dès
que le fermier ne fut plus en vue, il se leva, déchira le sac d’un
coup de dents et mangea le plus de poissons qu’il put. Ceux qui restèrent,
il les emmena dans sa tanière pour les dévorer à son aise après sa
digestion. Lorsqu’il
revint avec son traîneau, le fermier ne trouva qu’un sac vide et
troué et quelques reliques d’un festin mais point de renard. Il
rentra tout penaud à la ferme où sa femme se moqua de lui : - À
ton âge, gros balourd, tu t’es encore fait duper par le renard. Ce
en serait pas à moi qu’une chose pareille arriverait… Et pour le
consoler, elle lui tendit un bol de café fumant. |