Il y
avait une fois un garçon petit qui était si désordonné qu’on
l’appelait Jean Malpropre. Il laissait ses livres traîner sur le
plancher et mettait ses bottines crottées sur la table ; il fourrait
ses doigts dans les confitures et renversait l’encrier sur son tablier
neuf. Jamais on n’avait vu pareil désordre.
Un jour,
la fée Soigneuse entra dans la chambre de Jean ; et si vous aviez vu la
figure qu’elle fit !
- Ça ne peut pas continuer comme ça, dit la fée. Il n’y a pas de
fin à votre désordre. Allez dans le jardin et jouez avec votre frère,
dit la fée.
- Oh ! si, vous en avez un, dit la fée. Peut-être que vous ne le
connaissez pas, mais il vous reconnaîtra bien, lui. Allez dans le
jardin et attendez-le. Il viendra certainement.
- Je ne sais pas ce que vous voulez dire, fit Jean ; mais il descendit
tout de même au jardin et commença à jouer avec la boue .
Bientôt,
un petit écureuil sauta par terre, remuant sa jolie queue touffue.
- Est-ce vous qui êtes mon frère ? demanda le petit garçon.
L’écureuil le toisa du haut en bas.
- Eh bien ! j’espère que non, dit-il. Ma fourrure est bien brossée,
mon nid proprement fait et mes enfants sont très bien élevés.
Pourquoi est-ce que vous m’insultez avec votre question ?
Il sauta sur un arbre, et Jean Malpropre attendit.
Un petit
rouge-gorge arriva en sautillant.
- Êtes-vous mon frère ? demanda Jean.
- Non, vraiment ! fit le rouge- gorge. Il y a des gens d’une
impertinence !… Vous ne trouverez personne d’aussi soigné que moi
dans tout le jardin, mon cher. J’ai passé toute la toute la matinée
à lisser mes plumes, et je voudrais que vous voyiez ma femme couver nos
oeufs ! Ils sont si doux et si propres ! Votre frère, en vérité !
Vous n’y pensez pas ! Il hérissa ses plumes, et s’envola, et
l’enfant attendit.
Un peu
après, arriva un beau chat angora. Il avançait avec précaution pour
ne pas se salir les pattes.
- C’est vous qui êtes mon frère ? demanda le petit le petit garçon.
- Allez vous regarder dans la glace ! répartit le petit chat avec
hauteur. Depuis ce matin, je me lèche au soleil, et on voit bien que
vous ne vous lécher pas, vous ! Il n’y a personne de votre espèce
dans ma famille, je suis heureux de vous le dire. Il fit le gros dos et
s’en alla, et Jean se sentit assez déconcerté.
Bientôt
après, un cochon arriva en trottant. Jean Malpropre n’avait envie de
rien lui demander, mais le cochon n’attendit pas longtemps.
- Bonjour, frère, grogna-t-il.
- Je ne suis pas votre frère, dit l’enfant.
- Oh ! que si, dit le cochon. J’avoue que je ne suis pas très fier de
vous, mais on reconnaît partout les membres de notre famille. Venez
vite ; nous irons prendre un bon bain dans la mare, et nous rouler sur
le fumier.
- Je n’aime pas aller vers le fumier, dit Jean.
- Racontez ça aux poules, voulez-vous ? dit le cochon.
Regardez vos mains et vos pieds, et votre tablier ! Venez, allons ! Nous
aurons du bon temps, et vous pourrez avoir de la lavasse et du son pour
dîner, s’il en reste.
- Je ne veux pas de lavasse ! cria Jean, et il se mit à pleurer.
Juste à
ce moment, arriva la fée soigneuse.
- J’ai tout rangé et tout nettoyé, dit-elle, et il faudra que cela
reste ainsi, à présent. Voulez-vous allez avec votre frère ou venir
avec moi et apprendre à être propre ?
- Avec vous ! avec vous cria Jean en s’accrochant à la robe de la fée.
- Tant mieux ! grommela le cochon, c’est une petite perte. Il y aura
davantage de lavasse pour moi ! Et il s’en retourna.
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