Conte anglais
… Il y avait une fois une
Moitié de Poulet qui, à force de travailler et d’économiser, avait
amassé cent écus. Le roi, qui avait toujours besoin d'argent, ne l'eut
pas plus tôt appris qu'il vint les lui emprunter, et la Moitié de
Poulet était bien fière dans les commencements d'avoir prêté de
l'argent au roi. Mais i! vint une mauvaise année, et elle aurait bien
voulu ravoir son argent. Elle avait beau écrire lettre sur lettre, tant
au roi qu'à ses ministres, personne ne lui répondait. A la fin, elle
prit la résolution d'aller chercher elle-même ses cent écus, et se
mit en route pour le palais du roi. Chemin faisant, elle rencontra un renard. - Où vas-tu, Moitié de Poulet ? - Je vais chez le roi. Cent écus me doit. - Prends-moi avec toi. - Point de façon je ne ferai. Entre dans mon cou, je t'y porterai. Le renard entra dans son cou, et la voilà partie, toute joyeuse d'avoir fait plaisir au renard. Un peu plus loin, elle rencontra un loup. - Où vas-tu, Moitié de Poulet ? - Je vais chez le roi. Cent écus me doit. - Prends-moi avec toi. - Du plaisir en aurai. Entre dans mon cou, je t'y porterai. Le loup entra dans son cou, et la voilà partie encore une fois. C'était un peu lourd; mais la pensée que le loup était content de voyager lui donnait du courage. Comme elle approchait du palais, elle trouva sur sa route une rivière. - Où vas-tu, Moitié de Poulet ? - Je vais chez le roi. Cent écus me doit. - Prends-moi avec toi. - Bien des charges j'ai. Si tu peux tenir dans mon cou, je t'y porterai. La rivière se fit toute petite et se glissa dans son cou La pauvre petite bête avait bien de la peine à marcher; mais elle arriva pourtant à la porte du palais. Toc!
toc! toc! - Ouvrez à ma chère amie, répondit-il, et
qu'on la mette dans le poulailler. Le coq, qui piquait dans une épluchure de salade, la regarda d'en haut sans rien dire. Mais les poules commencèrent à la poursuivre et à lui donner des coups de bec. II n'y a pas de bêtes plus cruelles que les poules quand il leur vient des étrangers sans défense. La Moitié de Poulet, qui était une petite personne paisible et rangée, habituée chez elle à n'avoir jamais de querelles, se trouva bien effrayée au milieu de tant d'ennemies. Elle courut se blottir dans un coin, et cria de toutes ses forces - Renard! Renard! sors de mon cou, ou je
suis un petit poulet perdu. Une fois dans la bergerie, la Moitié de
Poulet se vit encore plus en péril que dans le poulailler. Les moutons
étaient les uns par-dessus les autres, et menaçaient à chaque instant
de l'écraser sous leurs pieds. Elle était enfin parvenue à s'abriter
derrière un pilier, quand un gros bélier vint se coucher là et
faillit l'étouffer dans sa toison. On amena devant le feu la Moitié de Poulet,
qui tremblait de tous ses membres, et déjà le roi la tenait d'une main
et la broche de l'autre, quand elle se dépêcha de murmurer. |