II
y avait une fois une petite souris grise qui vivait dans un
champ de blé noir, et qui avait bien envie de courir
le monde. Elle se
mit à trotter çà et là, fourrant son nez
pointu
dans tous les tas de pierres et sous toutes les touffes
d'herbe, et regardant partout de ses petits yeux noirs et
brillants. Tout à coup elle aperçut dans des feuilles sèches
un petit objet rond, brun et lisse. C'était une grosse
noisette, si polie et si brillante qu'elle eut envie de
l'emporter à la maison, et elle avança sa petite patte pour
la prendre, mais la noisette se mit à rouler. Souricette
courut après, mais elle roulait très vite et arriva jusque
sous un grand arbre, et là se glissa sous une des grosses
racines.
Souricette
enfonça son museau sous la racine, et vit un trou rond, avec
des escaliers, tout petits, tout petits, qui descendaient dans
la terre. La noisette roulait le long des escaliers avec un
petit bruit : tap, tap, tap. Souricette descendit aussi les
escaliers. Tap, tap, tap, en bas roulait la noisette, et en
bas, tout en bas, descendait Souricette.
La
noisette roula jusqu'à une petite porte, qui s'ouvrit immédiatement
pour la laisser passer. La petite souris se hâta de pousser
la porte, qui se referma derrière elle. Souricette se trouva
dans une petite chambre et devant elle se tenait le plus drôle
de petit bonhomme qu'on pût voir. If avait un bonnet rouge,
une veste rouge, et de longs souliers rouges en pointe.
-
Vous êtes ma prisonnière, dit-il à la petite souris.
-
Et pourquoi ? fit-elle tout effarée.
-
Parce que vous avez voulu voler ma jolie noisette.
-
Je ne l'ai pas volée, dit Souricette, je l'ai trouvée dans
le pré; elle est à moi.
-
Non, c'est la mienne, dit le petit homme rouge, et vous ne
l'aurez pas.
Souricette
regarda partout, mais elle ne vit plus la noisette; alors elle
pensa à rentrer chez elle, mais la petite porte était fermée
et le petit homme rouge avait la clef. Et il dit â la pauvre
petite souris
-
Vous serez ma domestique; vous ferez mon lit, et vous
balayerez ma maison et ferez cuire ma soupe.
Et
il ajouta en ricanant
-
Et peut-être que, si vous travaillez bien, je vous donnerai
la noisette pour salaire !
Ainsi
la petite souris fut la servante du petit homme rouge; chaque
jour, elle faisait le lit, balayait la chambre, et faisait
cuire la soupe. Et chaque jour le petit homme rouge sortait
par la petite porte et ne revenait que le soir, mais il avait
toujours grand soin de fermer la porte et de prendre la clef,
et quand Souricette lui réclamait son salaire, il répondait
en ricanant
Plus
tard ! plus tard! Vous n'avez pas encore assez travaillé.
Cela.
dura longtemps, longtemps. Enfin, un jour que le petit homme
rouge était très pressé, il ne tourna la clef qu'à moitié
et naturellement cela ne servit à rien du tout.
La
petite souris s'en aperçut tout de suite, mais elle ne
voulait pas partir sans son salaire et elle chercha partout la
noisette. Elle ouvrit tous les tiroirs, et regarda sur toutes
les planches, mais elle ne la vit nulle part. A la fin, elle
ouvrit une petite porte dans la cheminée et, juste, elle était
là! dans une sorte de petit placard.
Souricette
la prit vivement dans sa bouche et se sauva. Elle poussa la
petite porte, vite, vite, grimpa les petits escaliers, vite,
vite, passa à travers le trou sous la racine, et courut chez
elle sans s'arrêter. Tout le monde fut bien content de la
voir, car on la croyait morte.
Et
comme elle laissait tomber la noisette sur la table, celle-ci
s'ouvrit en deux avec un petit clic, comme une boîte!
Et
qu'est-ce que vous pensez qu'il y avait dedans ?
Un
tout petit, petit collier, en pierres brillantes, et si joli !
II était juste assez grand pour une petite souris. Souricette
le portait souvent, et, quand elle ne le mettait pas, elle le
gardait dans la grosse noisette.
Et
le méchant petit homme rouge ne put jamais retrouver
Souricette, parce qu'il ne savait pas où elle demeurait.
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