L'homme
a toujours aimé les récits merveilleux et
extraordinaires. Il s'est d'abord plu à écouter les
épopées (contes héroïques) ; puis au fur et à mesure
que l'esprit s'affina, le conteur prit pour objet de ses
récits les événements de la vie réelle, qu'il
transformait au gré de sa fantaisie, soit en leur
donnant la couleur du merveilleux, soit en les
présentant sous une forme satirique, soit encore en
recueillant les traditions populaires. Les contes populaires eurent chez les Grecs et les Romains, le même succès que chez les peuples modernes et l'on en trouve de nombreuses traces : l'anneau de Gygès, la baguette magique de Circé, les transformations de l'âne dans l'Âne de Lucien et dans l'Âne d'Or d'Apulée. Le conte si gracieux de l'Amour et Psyché n'a rien à envier aux inventions qui ont rendu célèbres les Mille et une nuit. Les anciens avaient encore une foule d'autres récits fabuleux peuplés de spectres et de fantômes, tels que Lamia, La Gorgone, Gella, la Voleuse d'enfants, etc. L'Orient est la patrie des contes pleins d'aventures extraordinaires, où le merveilleux joue le principal rôle . Ils furent popularisés au moyen âge grâce à divers recueils, tels les traductions latines du Pantchatantra, de l'Hitopadesa, de Sindabad (Historia septem sapientuum), le Dolopathos, les Gesta Romanorum, les Historae Latinae, de singuliers ouvrages dans lesquels sont mêlées naïvement l'histoire et la fable, où Romulus et César coudoient familièrement les quarante voleurs, et qui ont donné naissance aux fabliaux, ces contes vifs, joyeux, légers, égrillards même, que les écrivains de toutes les nations ont tour à tour mis à contribution durant plusieurs siècles. Les Italiens furent les premiers à imiter les conteurs français. Boccace était le fils d'une Parisienne, et c'est en France qu'il prit un grand nombre des épisodes de son Décaméron. Avant lui, Poggio-Bracciolini (le Pogge), dans ses Facéties, écrites en latin, avait aussi très fréquemment puisé à la même source. Après Boccace, les conteurs italiens sont légion ; c'est Sachetti et ses Nouvelles ; Cornazzani et ses Proverbes en facéties (XVème siècle); Bandello, dont le recueil est encore plus considérable que celui de Boccace ; Firenzuola ; Giraldi (Cinthio), les Hecatomitti ; Parabosco, i Diporti ; Grazzini (il Lasca, le Cene ; Strapparola, les Facétieuses Nuits ; Cinthio delli Fabrizzi, Origine des proverbes vulgaires ; Massucio, il Novellino ; etc. Le burlesque Batacchi et Casti (Nouvelles galantes), terminent, au XVIIIème siècle, cette longue série de conteurs qui se sont très souvent imités les uns les autres. En Angleterre, il faut surtout citer Chaucer et ses Contes de Cantorbery, qui doivent beaucoup aux fabliaux français et à Boccace mais qui n'en sont pas moins des chefs-d'uvre de narration variée et spirituelle. Après lui, viennent Gower, Lydgate, Dryden, Prior, Hawkesworth et enfin Dickens, à qui ses contes de Noël doivent faire donner une bonne place dans ce genre littéraire. En Allemagne, Hans Sachs est un des premiers qui aient écrit des contes ; Burkard Waldis, qui florissait dans la première moitié du XVIème siècle, a inséré dans son recueil de poésie des contes libres et des nouvelles qu'il a puisé dans Boccace, Hagedorn, Gellert, Zacharia, Nicolay, Pfeffel, Langbein, Schubart, La Motte-Fouqué, Clément Brentano, Wieland et Auguste Lafontaine méritent également d'être cités ; mais il faut surtout mentionner Hoffmann et ses contes fantastiques, qui sont presque tous des chefs-d'uvre ; Tieck et ses contes fantaisistes ; plus tard, Sacher Massocq et ses Contes juifs et petits-russiens (1879). L'Espagne, moins féconde en conteurs que l'Italie, eut cependant dès le XIIème siècle, la Disciplina clericalis, de Pierre Alphonse, pleine d'imitations des livres orientaux ; puis le Comte Lucanor, de Juan Manuel, l'archiprêtre de Hita, et quelques autres. Au XVIIème siècle, Cervantes écrivit ses Novellas ejemplares. On peut encore citer Antonio Trueba et ses Contes couleur de rose. |